Délivrance
Comme je l’explique sur la page « À propos », j’avais besoin d’exorciser la colère implosive qui avait envahi mon univers intérieur, et qui prenait beaucoup de place. J'étais complètement coupé en deux ; entre ma volonté de ne pas surtout être comme mon beau-père et cette partie en moi qui se manifestait souvent par une petite voix dans ma tête qui voulait que j'exprime mes pulsions violentes. Ne souhaitant pas consulter un psychologue, car j’avais déjà eu une expérience improductive avec ce système qui permet d'exprimer par des mots la souffrance ressentie en faisant une psychothérapie et utilisé parfois des psychotropes prescrits par un psychiatre pour faire taire la voix, j’ai décidé de me diriger vers d’autres formes de thérapie. Après avoir exploré les différentes approches psychothérapeutiques, j’ai choisi d’avoir recours à l’art-thérapie, ainsi qu’aux thérapies comportementales et cognitives (TCC). Ce sont deux formes me paraissaient accessibles.
Je vais d’abord partager ma pratique de l’art-thérapie, car c’est la méthode qui me semblait la plus appropriée pour gérer ma colère, notamment à travers la danse. Voilà ce que j’ai compris de ce procédé – peut-être que je me trompe, mais ce n’est pas important ; ce qui compte c’est la finalité : améliorer ma vie. La stratégie thérapeutique de l’art-thérapie consiste à recourir à la production artistique pour accéder à des sentiments et à des souffrances provoquées par des événements survenus au cours de notre vie, qui nous ont blessés ou perturbés.
Situations durant lesquels nous n’avions pas la possibilité, la volonté ou la force intérieure d’agir ou d’exprimer verbalement notre ressenti. Nous avons alors réprimé notre réaction émotionnelle. Cependant, le souvenir de ces moments désagréables, associés à un sentiment perçu comme négatif, n’a pas disparu, mais est en quelque sorte enregistré en nous, figé dans le temps en attendant d’être extériorisé.
Nous avons continué à mener notre vie et fini par oublier, mais le ressenti non exprimé est toujours là, enfoui dans notre inconscient. Une émotion refoulée peut avoir des conséquences néfastes sur notre bien-être mental et physique.
- Elle peut se transformer en maux physiques.
- Dans le cas de la colère, elle peut être retournée contre soi, ou contre une personne non responsable de notre état.
- Elle se réactive à chaque circonstance similaire vécue, ce qui peut parfois affecter notre comportement : nous cherchons à fuir ces situations pour ne pas ressentir ce genre d’émotions.
- Elle peut s’exprimer de façon disproportionnée. C’est ce qu’il se passe quand une personne, qui adopte une attitude passive, explose subitement de colère pour une broutille.
L’art-thérapie permet de ressentir, de traverser et de libérer ces émotions bloquées de manière non verbale, à travers une activité artistique et créative telle que la musique, le chant, la danse, le dessin, la peinture, le modelage, l’écriture, etc.
Une fois que j’avais choisi l’outil nécessaire à ma transformation intérieure et extérieure, je devais comprendre le processus qui se met en place au moment où une réaction émotionnelle se produit.
D’après les informations que j’ai trouvées dans un livre, le mécanisme se déroule en quatre étapes.
1. La charge : réaction à une stimulation extérieure perçue grâce à nos cinq sens et interprétée (nous subissons une injustice, nous recevons une bonne ou une mauvaise nouvelle…), ou à une stimulation intérieure (un souvenir).
2. La tension : mobilisation de notre énergie pour apporter une réponse adaptée à la situation.
3. La décharge : manifestation de l’expression de l’émotion (cri de joie, explosion de colère, larmes…), qui permet d’évacuer les tensions.
4. La récupération : le retour à l’équilibre.
Donc, si une réaction émotionnelle se produisait à la suite d’une stimulation intérieure, il était logique d’en déduire que je pouvais utiliser mes souvenirs déplaisants pour faire remonter à la surface toutes ces émotions, enfouies au plus profond de moi-même. Souvenirs que j’avais jusqu’à présent écartés de toutes mes forces de mon esprit, car c’était trop douloureux d’y repenser. Pendant mon enfance et une partie de mon adolescence, j’avais été contraint de me soumettre – vous pouvez découvrir mon histoire sur cette page La découverte. Je ne m’en rendais pas compte, mais, à cette époque, j’attribuais à mon beau-père un pouvoir supérieur à celui qu’il avait en réalité. Dès que j’étais en sa présence, une grande fureur montait en moi, et je la réprimais. Elle me rongeait intérieurement ; je la sentais si gigantesque, elle me faisait peur. Ensuite, quand j’ai commencé dans la restauration, j’ai inversé les rôles. Après avoir été soumis, je suis devenu agressif et autoritaire. Je pratiquais une forme d’humour extrêmement méchant. Mais ce nouveau comportement était un masque que j’enfilais en sortant de chez moi, une seconde identité que j’affichais au monde, en quelque sorte. Intérieurement, chaque fois que je me trouvais dans une situation où j’avais à exprimer un désaccord, je continuais à réagir telle une personne soumise. C’était devenu un réflexe. Bien sûr, je faisais part de mon désaccord, mais ma réaction était soit imprégnée de violence – j’étais alors obligé de me contenir –, soit trop conciliante, et c’était le réflexe de soumission qui s’activait. Quoi qu’il en soit, la réponse n’était jamais satisfaisante, et elle ne me permettait pas d’atteindre la troisième étape du cycle émotionnel décrit ci-dessus : la décharge. Après coup, dans le premier cas, je ressentais de la culpabilité d’avoir été agressif, et dans le second, de la colère contre moi-même. Cette dernière était comme un récipient rempli de liquide qui ne se vidait jamais. Du moins, jusqu’à ma rencontre avec la danse thérapie.
Se servir de la danse
Depuis la nuit des temps, la danse est utilisée par l’homme pour s’exprimer. J’ai choisi d’avoir recours à cette partie de l’art-thérapie, parce qu’elle est un outil qui permet, grâce aux mouvements effectués, de toucher les sphères physique, émotionnelle, mentale et sociale. Les mouvements symbolisent des émotions, des désirs, des conflits, ou toute autre problématique enfouie. Quand nous nous mettons en mouvement, un dialogue se met en place avec notre environnement, la relation entre le corps et la psyché s’approfondit, ce qui permet une meilleure expression des traumatismes anciens, une connaissance de soi-même enrichie, et une révélation de nos blocages. La danse ne doit pas être un exercice intellectuel, elle doit être ressentie.
En pratiquant cette activité, mon but était de passer de la soumission à l’expression d’une colère dite « saine ». La colère est une réponse à la frustration et à l’injustice. Elle est nécessaire pour se réparer, quand une valeur personnelle a été bafouée par soi ou par autrui. J’ai préféré éviter de commencer par les situations très chargées émotionnellement qui avaient jonché ma vie, et faire l’expérience à partir de petites colères. Ensuite, je suis passé à des circonstances beaucoup plus corsées.
J’ai effectué mes premières séances en silence ; je voulais favoriser la prise de conscience de moi-même, me connecter à mes ressentis et à mon environnement. Ma méthode est la suivante.
Je me connecte à mon corps via ma colonne vertébrale. Je commence à bouger au rythme d’une musique que j’ai en tête.
Je me remémore une situation qui m’a irrité, et l’interprétation que j’en ai faite.
Je ressens ma colère.
Les mouvements de mon corps symbolisent les mots que j’aurais vraiment voulu dire à ce moment-là ; par exemple : « Je ne suis pas d’accord. » À travers les mouvements du bas de mon corps et de mes épaules, je perçois ces paroles prononcées, le son de ma voix et le ton.
Je visualise l’air autour de moi, qui symbolise la personne ayant déclenché ma colère ; il la reçoit sous forme de paroles. Je sens que l’air l’a entendue et reconnue.
Mon besoin de réparation s’active.
Au cours de ma deuxième séance, je me suis attaqué à mon réflexe de soumission contraint.
Bouger au rythme d’une musique.
Événement remémoré, souvenir de mon interprétation,
mouvements symbolisant la verbalisation à haute voix de l’émotion « Je suis furieux ».
Très vite, en réagissant comme quand j’étais enfant, c’est-à-dire en croyant que l’autre me domine – sans que les faits le démontrent –, les pensées sur les conséquences de ma réaction sont apparues : « Le conflit va dégénérer. » J’ai continué.
La peur de déplaire a émergé, suivie de celle de blesser l’autre en faisant passer mes besoins avant les siens ; j’ai persévéré en traversant ces craintes. La culpabilité s’est enclenchée. Je l’ai tolérée et j’ai poursuivi dans la dynamique « Je suis furieux ».
Un soulagement est doucement monté en moi ; j’ai continué. Mon attention s’est détachée de mon monde intérieur et s’est focalisée autour de moi. J’ai visualisé l’air qui recevait ma colère. J’ai ressenti qu’il l’avait entendue et reconnue.
Mon besoin de réparation s’est activé.
Bien que je continue à utiliser la danse-thérapie de temps en temps, je me suis créé deux outils pour poursuivre l’exploration de mes blocages et traumatismes.
Le premier permet d’utiliser le dessin, le second est dédié à la gestion de la colère, qui implique une décharge physique.